Pour la deuxième année consécutive, les ventes de Champagne atteignent des niveaux record qui dépassent de loin les quantités produites sur la même période.
Comment le marché va-t-il s'ajuster ? Certaines Maisons de Champagne ont déjà mis en place une stratégie d'ajustement par les prix et les quantités dès le début d'année 2022.
Le marché du Champagne : décryptage
Après l'année 2020 qui avait conduit la profession à limiter la quantité produite, les aléas climatiques auront réduit les rendements en 2021 alors que la demande a retrouvé un niveau record !
L'année 2021 aura marqué le retour à des ventes historiquement élevées, renouant avec les chiffres de 2011 ! Un rebond qui toutefois ne va pas sans s'interroger sur la capacité à répondre à cet engouement toujours aussi soutenu en ce début d'année 2022.
2020 : l'impact de la crise sanitaire
En 2020, face à la baisse de l'activité, l'interprofession de Champagne avait décidé une réduction du rendement commercialisable de 10.200 kilos de raisins cueillis à l'hectare à 8.000 kg/ha (*). Ceci correspond à 230 millions en équivalent bouteilles (source : Comité Champagne CIVC - l'économie du Champagne, Chiffres Clés 2020).
Côté ventes, le nombre de bouteilles expédiées aura finalement atteint 245 millions soit un recul de 18%, contre 20% attendus. Cette moyenne cache des disparités entre le marché français, en recul de 20% alors que les ventes à l'international ont baissé de 16%. Ce sont 114 millions de bouteilles qui ont finalement été vendues en France en 2020, contre plus de 140 millions en 2019. Ce repli serait directement lié aux fermetures temporaires des cavistes, cafés et restaurants ainsi que le recul du tourisme cette même année.
Des efforts en matière de modernisation des canaux de vente ont pu rapidement se mettre en place pour approvisionner les clients en France, premier pays consommateur de Champagne, avec des sites internet déployés chez de nombreux producteurs.
2021 : une production en baisse, une demande élevée
L'année 2021 aura été marquée par des gels importants en hiver et un niveau exceptionnel de pluviométrie en juillet. Ce deuxième phénomène a entraîné le développement rapide du mildiou, champignon redouté pour ces ravages dans les vignobles. L'impact aura été délétère atteignant jusqu' à 30% de perte de raisins dans certaines communes. Maxime Toubard, Président du SGV Syndicat Général des Vignerons et co-Président du CIVC Comité Champagne cite même le chiffre de 80% de perte chez certains vignerons.
Durant cette même année, les ventes auront renoué avec les performances de 2011 avec plus de 320 millions de bouteilles.
Ce décalage entre les ventes et la production pourra être comblé par l'utilisation de stocks, dont le niveau atteignait en 2020 un peu moins de 1.500 millions de bouteilles (*). Mais des tensions sur les prix se font déjà sentir au sortir des tarifs 2022 chez bon nombre de maisons. Certains reviennent même au principe d'allocation ...
2022 : le scénario de tous les possibles
En 2020 & 2021, les ventes de Champagne sont supérieures aux quantités de bouteilles issues de ces mêmes années de récolte. Quel impact sur les années à venir ?
La récolte 2020 donnera lieu à de premières mises en marché en 2022. Le temps d'élaboration incompressible est en effet de moins de 2 ans pour les champagnes Brut Sans Année.
Ainsi, à la période de vendanges d'août ou septembre, succède une première vinification avec la fermentation alcoolique. Selon les méthodes d'élaboration, la cuve et le fût pourront être utilisés, en totalité ou en partie. Certains choisiront la jarre ou le foudre.
Suivra ensuite la mise en bouteille. Elle se déroule généralement en début d'année suivant les vendanges. La période n'est pas imposée. Certains préféreront conserver une partie du jus vinifié pour leur réserve perpétuelle ou encore la soléra.
La prise de mousse constitue la dernière fermentation. Des levures sont ajoutées au vin tranquille : elles vont permettre la transformation du sucre essentiellement en gaz carbonique permettant d'atteindre un niveau de pression d'environ 6 bars.
Cette étape est déterminante pour la qualité du champagne : trop rapide, elle donne une mousse grossière facilement identifiable. Si elle est au minimum de 15 mois, elle gagne à être prolongée pour une plus grande complexité aromatique et une mousse plus fine et plus persistante. En effet, en référence aux travaux de Gérard Liger-Belair, les bulles de champagne libèrent les arômes dont elles se sont chargées pendant leur ascension dans la flûte. La perception des arômes est donc plus présente pour un vin effervescent que pour un vin tranquille en raison du renouvellement des bulles chargées de composés odorants, plus précisément odoriférants.
Viennent ensuite le dégorgement et le dosage avant rebouchage pour clôturer les processus d'élaboration du Champagne. S'il est recommandé d'attendre 3 à 6 mois minimum avant la dégustation, rien n'interdit la mise en marché immédiate de ces bouteilles.
Ainsi les premières bouteilles issues des vendanges 2020 seront commercialisées en 2022.
Si le rendement des années 2020 et 2021 stagnent à moins de 250 millions de bouteilles, face à une demande dépassant les 320 millions de bouteilles, les réserves pourront-elles suffire à satisfaire la demande ?
Certains ont déjà revu leur prix à la hausse, d'autres ont opté pour une politique d'allocation de bouteilles ce qui génère finalement les mêmes effets... la raréfaction menant inéluctablement au renchérissement !
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(*) Le Champagne regroupe 16.200 vignerons, 130 coopératives et 360 Maisons de Champagne pour 34.300 hectares de terres viticoles.
Source : CIVC - L'économie du Champagne en 2020
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Crédit Photo : OPTEIS